Ce numéro double accueille 27 articles qui explorent la notion de pluriel sous des angles les plus divers : sociologie, anthropologie, philosophie, histoire.
Nous discutons la pertinence du concept d’âge axial chez Eisenstadt appliqué à la Grèce ancienne. Selon Eisenstadt, la Grèce, malgré ses philosophes, était restée trop peu idéaliste pour entrer pleinement dans l’âge axial. Rappelant le diffusionnisme de Hocart et le structuralisme de Lévi-Strauss, nous montrons que les influences orientales, tant à l’époque hellénistique que dès l’adaptation de l’écriture phénicienne, ont toujours été subordonnées par les Grecs à leurs traditions propres.
La production des idées politiques dépasse les seules frontières organisationnelles des partis et s’effectue à travers la médiation d’acteurs collectifs (fondations, clubs, think tanks, revues, maisons d’éditions, grandes écoles, centres de recherche, universités, ...) et individuels (responsables politiques, intellectuels, experts, traducteurs, éditeurs, ...) à la croisée de logiques et d’espaces sociaux hétérogènes. Dans cette perspective, cet article se propose d’interroger les concepts topologiques à disposition du chercheur en sciences sociales (réseau, monde social, champ, communauté épistémique, ...) pour pouvoir analyser ces lieux hybrides en les appliquant à un cas empirique : l’espace intellectuel socialiste.
L’article fait l’examen de l’évolution du débat tenu au Québec depuis plus d’une dizaine d’années sur le port de signes religieux par les représentants de l’État en mettant en évidence comment il a oscillé entre accord et désaccord. L’analyse montre que les déplacements du débat sont déterminés par l’introduction en son sein d’infra-débats portant sur des questions sous jacentes qui en modifient les contours et, à défaut d’être pleinement explicités, l’obscurcissent.
Le ghunghat est un voile du Nord de l’Inde. Il a pour particularité d’être non confessionnel. Son lien est étroit avec les systèmes de parenté, d’alliance, d’organisation familiale d’Inde du Nord, et reflète les systèmes de représentations et de constructions du corps. Une analyse anthropologique de ce voile fait ressortir ses dimensions sociales, esthétiques, et son lien au sacré. Le voile en tant qu’objet polysémique doit être repensé selon une perspective comparative qui permet de sortir des cristallisations autour des seules dimensions religieuses et politiques dans lesquelles le voile a été enfermé dans le contexte socio-politique français.
La principauté de Monaco présente la particularité d’avoir institué un système de préférence nationale hiérarchique favorisant d’abord les Monégasques, puis les individus qui partagent des liens plus ou moins étroits avec la principauté, notamment dans les domaines de l’emploi et du logement. L’objectif de la principauté est de maintenir les citoyens nationaux sur le territoire compte tenu de son attractivité et de la pression sur le coût de l’immobilier qui en résulte. Le présent article propose de discuter de ce système de préférence nationale qui, d’un point de vue conceptuel, influence certainement le processus de construction identitaire des différentes catégories d’individus qui résident à Monaco, façonnant ainsi les relations entre les différents groupes présents dans le pays.
La sociabilité est un concept central dans la discipline sociologique. Son application aux nouvelles manières de constituer des liens sociaux interroge la définition même du concept, particulièrement dans son rapport à l’altérité. En suggérant l’idée de la sociabilité dite « du passage », nous proposons de mieux comprendre les tensions entre ressemblance et altérité au cœur des relations sociales entre inconnus. Précisément, cet article vise à mettre en avant des illustrations de moments d’ouverture interculturelle dans les relations entre membres d’un réseau d’échange d’hospitalité.
Cet article a pour objectif d’analyser de manière critique les formes d’intégration en interrogeant comment les migrants/diasporas créent activement des pratiques de rencontre, de dialogue et de compréhension mutuelle au sein des sociétés d’accueil. Ce papier se base sur une étude de terrain réalisée au sein d’un espace local suédois (Malmö) et explore la diversité du militantisme artistique des Palestiniens en Suède dans le but d’analyser ses conséquences sur le concept d’intégration.
Depuis les années 1990, des Rohingyas se réfugient en Malaisie. La législation malaisienne ne mentionnant pas de droit d’asile, ils y sont sans-papiers. Pourtant, malgré la non-reconnaissance du statut de réfugié, cette catégorie importée est omniprésente dans les discours des Rohingyas. Cet article propose d’analyser le rapport des Rohingyas à ce statut de droit international. Nous défendons que le cosmopolitisme, intériorisé et routinisé en un cosmopolitisme ordinaire, constitue une ressource pour l’ancrage d’exilés sans papiers.
À Yaoundé, les affiches de rues sont porteuses de dynamiques sociales hiérarchiques et de rivalités caractérisant la lutte pour l’expression des droits à la ville. Dans un contexte où la ville est divisée en zones d’affichage distinctes, les affiches de rue visent alors à reproduire les hiérarchies sociales. En même temps, certains afficheurs combattent ces logiques à travers ce qu’il est convenu d’appeler les stratégies de « contre-pouvoir » et de « contre-espaces », synonymes d’un urbanisme pluriel.
Cet article découle d’un travail de recherche empirique centré sur les ressorts socio-spatiaux de l’écologisation des modes de vie et la diffusion-réappropriation de l’écocitoyenneté. Il s’appuie sur une dizaine d’entretiens semi-directifs et 93 entretiens par questionnaire auprès d’habitants d’écoquartiers franciliens (Clichy-Batignolles, Bel Air-Grands Pêchers et Chandon-République). L’analyse des modes de vie révèle la pluralité des rapports à l’écoquartier, lieu agréable à vivre mais également catalyseur de désagréments quotidiens freinant l’intégration des habitants à leur environnement local. Les retours d’expérience des habitants font état de la diffusion généralisée des écogestes dans l’ensemble des représentations liées à l’écologie. Cependant, ils témoignent de la richesse des relations subjectives à l’écocitoyenneté, oscillant entre la défense et l’opposition au référentiel du développement durable. Ces discours vernaculaires sont à l’origine d’une réappropriation sémantique et pragmatique de l’écocitoyenneté qui va ainsi être modelée en fonction des contraintes de vie et des valeurs personnelles, autant de variables susceptibles d’avoir une influence effective sur la conscience et la sensibilité environnementales. Les résultats de recherche font apparaître des attentes plurielles quant à la démocratisation de l’écologie, variables en fonction des (dis)positions […]
J’ai rencontré 24 personnes porteuses du syndrome d’Asperger afin d’explorer leur rapport à la nature en recueillant leurs témoignages et en réalisant des enquêtes ethnographiques au domicile de deux d’entre elles. À partir de ces témoignages et observations, j’articule mon propos autour de deux axes centraux : si l’importance de la sensorialité dans leur rapport à la nature et à l’environnement est mise en évidence, une deuxième problématique apparaît : la stigmatisation et un vécu de rejet qui inciteraient les personnes que j’ai rencontrées à se tourner vers la nature comme un espace libéré des normes sociales.
Cet article décrit les interactions entre les différents acteurs impliqués dans la lutte contre l’épidémie d’Ebola en Guinée, en se focalisant sur leurs identités communautaires et professionnelles. Il montre comment l’épidémie a contribué à forger de toute pièce des identités inédites, regroupées en deux camps opposés, « les gens d’Ebola » et les « communautés », ainsi que de nouvelles figures professionnelles. Dans une perspective de la socio-anthropologie du développement de Jean-Pierre Olivier de Sardan, l’article cherche à contribuer à une meilleure connaissance des opérateurs de la « Riposte », des interactions entre les spécialistes de disciplines différentes et de leurs représentations sur les populations locales.
Nous suivons d’un point de vue socio-anthropologique les tenants et les aboutissants d’une expérimentation en neurosciences, affichant une volonté d’augmenter l’efficacité thérapeutique d’un dispositif de réalité virtuelle (RV) dans le traitement de phobies. La participation du patient, pourtant au cœur de la promesse thérapeutique et du recours à la technologie de la réalité virtuelle, s’avère partielle et relativement impensée. Les acteurs priorisent la recherche sur la clinique et partagent la représentation classique du « bon patient » (actionnable, sans contraintes sociales, disponible), voire d’un patient héroïque, capable d’une endurance et d’une capacité d’adaptation peu ordinaires. Cette représentation va de pair avec la sous-estimation des épreuves thérapeutiques inhérentes à l’usage de la réalité virtuelle et avec la sous-évaluation des capacités d’analyse du patient durant l’expérimentation elle-même.
Résumé de la thèse de doctorat en géographie, sous la direction de Virginie Baby‑Collin, soutenue le 1er juin 2017.
La migration constitue un trait caractéristique des Mozabites, une minorité aux fortes valeurs identitaires et pourvue d’une organisation institutionnelle particulière. Là où les Mozabites sont installés, en Algérie ou à l’étranger, une assemblée traditionnelle est créée [la jma’a] et des biens immobiliers sont acquis : maison communautaire, école libre, mosquée, cimetière, centre culturel, bibliothèque, etc. –, cela à l’échelle d’une ville. À l’échelle du pays, chaque région est gérée par une coordination [tansiqiyat] et le tout est chapeauté par un Conseil confédéral sis à Ghardaïa – le Conseil de ‘Ammi Saïd–. Il s’agit donc, dans cet article, d’étudier cette organisation institutionnelle et d’élucider les mécanismes adoptés par les Mozabites afin de faciliter leur organisation et insertion dans un contexte migratoire. À la fin de ce texte, nous serons en mesure de définir la mobilisation de la solidarité du groupe comme un élément moteur dans ce processus d’insertion. Pour notre démonstration, nous avons réalisé, en plus de la recherche documentaire, une enquête de terrain (qualitative). Des entretiens ouverts, semi-directifs et des entretiens de groupe ont été menés, essentiellement auprès de la communauté mozabite installée dans une ville moyenne de l’Est algérien ; la ville de Bordj Bou Arreridj, au cours des années 2015 et 2016.