Thème aussi bien historique qu’actuel, lié à celui des mobilités et des migrations, il s’en distingue par une spécificité liée à la notion de « patrie » et au caractère d’acte volontaire impliqué par le verbe à l’infinitif. Parmi les aspects abordés, on peut mentionner les interrogations suivantes : le fait de s’expatrier produit-il ce qu’on appelle aujourd’hui de façon banale des « expatrié(e)s », ou plutôt des exilés, des réfugiés, des transfuges ? Il y a dans le fait de s’expatrier une notion d’arrachement, ainsi que d’identité, d’appartenance, choisies ou contraintes. On peut aussi réfléchir sur la question des apatrides, ou sur celle des rapatriés. S’expatrier pour des raisons fiscales est-il une forme de trahison vis-à-vis de la patrie ? L’individu qui s’expatrie sera étudié de préférence en relation aux collectivités (sociétés, entreprises, etc.) L’idée de patrie est donc au cœur de ce numéro. Change-t-on de patrie en s’expatriant ? Peut-on avoir plusieurs patries ? Existe-t-il des formes de patriotisme internationales ?
Durant la Première Guerre mondiale, entre 2 et 3 millions de réfugiés, chassés par les combats, choisissent l’exil. Dans l’Ouest de la France, 150 000 évacués, réfugiés ou rapatriés sont ainsi accueillis. Dès l’automne 1914, leur intégration suscite des difficultés, mineures au début mais qui s’accentuent à partir de 1915. Dans un contexte de guerre dont nul n’a prédit l’allongement, leur profil socio‑culturel est vite considéré comme incompatible avec les attendus de populations autochtones majoritairement rurales et peu accoutumées à cette « découverte de la différence ».
Années 1980 : des « beurs, orphelins de la République » succèdent à leurs pères Algériens immigrés depuis 1962, peu visibles sur la scène publique. Échappés au regard, au contrôle, à la soumission étatique nombre de ces « pères disparus » ont développé des initiatives commerciales transnationales, pour alimenter de vastes marchés souterrains en France, en Italie, en Allemagne, Belgique et Pays Bas, puis en Espagne tout enrenforçant leurs liens avec le Maghreb. Organisés en interminables tournées, ces transmigrants deviennent des nomades de la mondialisation par le bas. Après 1990, les Algériens d’Europe, qui subissent les contrecoups de la guerre civile en Algérie se replient vers des micro‑marchés locaux alors même que se déploie la grande migration marocaine : plus d’un million de personnes créant toute sorte de réseaux européens pour se loger ou travailler, reprennent les activités commerciales transfrontalières des Algériens, avec des logistiques plus souples et diversifiées. C’est au début des années 2000 qu’ils rencontrent les cohortes afghanes, géorgiennes, russes et ukrainiennes de transmigrants de l’Est oeuvrant pour les fabriques du sud‑est‑asiatique en négociant en « poor to poor » c’est à dire « par les pauvres pour les pauvres », hors taxes et contingentements, des produits électroniques. Marchandises envoyées de Hong Kong vers les Émirats du golfe Persique où elles échappent au contrôle de […]
Cet article se propose d’analyser l’expatriation dans une perspective phénoménologique afin de remettre en cause les grilles d’analyse conventionnelles des déplacements humains. Il s’agit de déconstruire les identités de classe, de race et de nation pour faire émerger la notion d’émancipation de l’individu de sa patrie. L’expatriation apparaît comme une notion existentielle heuristique pour porter un autre regard sur les migrations internationales. Elle unifie les situations migratoires en dépassant les clivages implicites entre tradition et modernité.
Cet article vise à mettre en lumière la manière dont, dans le contexte national russe, les autorités publiques effacent les frontières entre la migrationde retour et l’asile afin d’apporter le soutien au rapatriement des ex‑citoyens soviétiques en Russie. Ce phénomène politique prend ses racines au moment de la chute de l’URSS, alors que la Russie est rapidement devenue un pays d’immigration. En a résulté l’adoption de la Convention de Genève et la création des deux catégories socio‑juridiques de réfugiés en Russie : « les migrants forcés » et « les réfugiés ».
À partir d’une enquête qualitative menée entre 2016 et 2018 auprès d’une trentaine de Français ayant migré au Québec, cet article propose de distinguer quatre types de projets migratoires : le projet d’exploration, d’établissement, de circulation et de retour. Les trajectoires et propos recueillismontrent que ces projets ne sont pas disjoints ni figés dans le temps, et qu’il existe donc une fluidité des projets migratoires, qui par ailleurs ne correspondent pas toujours aux catégories administratives de statuts migratoires de la politique migratoire canadienne.
Depuis 1994, la communauté afrikaner entretient un rapport ambigu avec ses attributs culturels, utilisés comme alibi par le gouvernement nationaliste‑chrétien pour justifier la suprématie raciale sous l’apartheid. Ils sont aujourd’hui perçus comme déviants et vécus comme des stigmates sociaux. Certains membres de la communauté s’emploient à formuler de vives critiques du passé et à réinventer les cadres patriotiques pour les faire coïncider avec les nouvelles valeurs libérales démocratiques dominantes aujourd’hui.
Les « Médecins Sans Frontières » (MSF) sont‑ils des médecins sans patrie ? Basé sur une cinquantaine d’entretiens, des données statistiques et uneobservation participante, cet article décrit des conditions de mission humanitaire limitant l’intégration locale et dégage trois formes d’attachement : chez soi (« expatriés parenthèse »), ailleurs (« expatriés multipatrides ») ou nulle part (« expatriés duty‑free »). Pour ces derniers, MSF joue, jusqu’à leur départ de l’organisation, le rôle de patrie de substitution.
Sur le terrain des migrations saisonnières entre le Maghreb et les Bouches‑du‑Rhône, j’étudie l’évolution des liens entretenus avec « la patrie », leterritoire et le réseau social d’origine et le sens que les migrants donnent eux‑mêmes à cette relation, une évolution que j’aborde à travers le croisement d’une pluralité de temporalités et d’échelles d’observations : le contexte structurel politique, socio‑économique du pays d’accueil et d’origine ; les possibilités données par le réseau des migrants ; les stratégies individuelles et familiales de ces derniers.
Cet article propose d’étudier les conditions concrètes d’intégration d’un sans‑papiers installé à Bordeaux. Il repose principalement sur une enquêteethnographique, des entretiens et une enquête budget réalisés auprès d’un bénéficiaire du Secours populaire à Bordeaux.
En Belgique, la domiciliation et l’inscription au Registre de la population constituent un préalable à l’accès aux droits sociaux, ainsi qu’un indicateur d’intégration et de reconnaissance sociale. Pour les personnes sans‑domicile, un dispositif administratif a été mis en place : l’adresse de référence. Celui‑ci permet, entre autres, de disposer d’une inscription au registre de la population et pour la personne d’obtenir une existence de droit et administrative. Pourtant, aujourd’hui, son application diffère d’un organisme d’aide sociale (appelés CPAS) à un autre, les contrôles étant la plupart du temps motivés par la lutte contre la fraude sociale, elle‑même définie par une politique propre à chaque CPAS.
Compte-rendu paru dans le numéro 4 de la revue
L’Évangéliaire de Konikovo (EK), l’Évangéliaire de Kulakia (EKu) et l’Évangéliaire de Boboščica (EB) sont les premières traductions sérieuses duNouveau Testament en langue vernaculaire macédonienne du XIXe siècle. Ils sont tous écrits en alphabet grec. Cet article présente les exemples les plus spécifiques des textes montrant une tendance à la stylisation par élargissement de la base dialectale et/ou par élévation du style. De toutes les traductions des évangiles en langue vernaculaire macédonienne de Macédoine du sud du XIXe siècle ayant été analysées, on peut conclure que le texte le plus stylisé et en même temps le plus ancien est celui de l’EK (1852), et surtout sa deuxième main. Les démarches de stylisation sont moins perceptibles dans le texte de l’EKu (1860) et encore moins perceptibles dans celui de l’EB (1880). On peut dire que les traductions analysées, mais aussi les autres traductions du Nouveau Testament en langue vernaculaire macédonienne de Macédoine du sud des XVIIIe et XIXe siècles ouvrent, plus ou moins, une voie vers la formation d’une langue biblique, voie aboutissant aux traductions de la Bible en macédonien standard contemporain en 1976, 2003 et 2007.
Cet article porte sur un dispositif participatif mis en place au Maroc : les conseils des jeunes. Ceuxci ont pour objectif d’associer la jeunesse marocaine à l’élaboration des politiques publiques locales. Il vise à interroger les usages différenciés de ce dispositif par les acteurs de l’action publique locale. Comment les conseils des jeunes transforment les jeunes qui y participent, mais également comment ces derniers parviennentils à influencer l’action publique locale ? Telle est la question à laquelle nous voudrions présenter des éléments de réponse dans le cadre de cette recherche. La question du lien entre jeunes et politiques publiques est liée à l’usage des dispositifs publics par cette catégorie sociale. Dans ce sens il est important ici de chercher à comprendre comment des acteurs qui contestent ouvertement un ou plusieurs aspects de l’intervention publique finissent par devenir acteurs de cette même politique publique. L’hypothèse à démontrer dans ce cadre, à partir de l’expérience du conseil des jeunes de la ville de Ouarzazate, est que les jeunes qui contestent une stratégie d’une politique publique locale finissent par accepter cettestratégie suite à leur entrée dans l’action publique locale. Cette recherche s’appuie sur le recueil des données qualitatives issues d’entretiens semidirectifs réalisés entre mai 2017 et mai 2019 auprès des membres de la coordination nationale des conseils des jeunes, des jeunes […]