Pour son second numéro thématique, la revue « Sociétés Plurielles » s’intéresse aux épistémologies du pluriel, variables d’une discipline à l’autre. Six articles ont été retenus, émanant de plusieurs sociologues, parmi lesquels un spécialiste de philosophie. Des adeptes de sciences humaines plus abstraites ont proposé leurs réflexions concernant, dans une perspective large, les conditions de la connaissance d’une réalité plurielle, tandis qu’une spécialiste des sciences de l’information et de la communication traite de la rhétorique de la diversité dans le monde de l’entreprise. Une sociologue, spécialiste des migrations, apporte également une contribution centrée sur l’usage de la notion de « diversité » dans les arènes académiques et politiques. D’autres sociologues s’interrogent sur les manières de vivre la pluralité dans le contexte de la mondialisation. Les articles suivants montrent qu’une recherche sur le pluriel peut conduire à examiner d’autres concepts, tels que ceux de « type » ou de « race » et à réfléchir à un principe pourtant considéré jadis comme intangible, celui de la dualité des sexes, une norme aujourd’hui remise en question au profit d’une vision plus complexe de la réalité des genres. Ces contributions montrent que réfléchir aux concepts de pluriel ou de pluralité requiert de réfléchir à leur(s) antonymes. La multiplicité des termes apparentés, ou corrélés, soit à la notion de pluriel, soit à celle de son contraire, le singulier, conduit à ouvrir le champ de l’analyse.
Pour son second numéro thématique, la revue Sociétés plurielles revient sur la notion de pluriel/ le et sur la manière dont cette notion a été ou estactuellement investie dans différentes disciplines. Six articles aux objets très variés, faisant appel à la sociologie, la philosophie, l’anthropologie, aux arts visuels et aux sciences de l’information et de la communication ont été retenus : les auteurs y questionnent le binôme singulier/pluriel ou semblable/dissemblable à l’université, dans l’entreprise, dans le milieu agricole, dans les biens de consommation culturelle, ou encore dans la photographie contemporaine, et dans la typologie de l’anthropologie du début du XXe siècle. Tous abordent la question du pluriel dansles sociétés avec leurs outils et thématiques propres.
Le but de cet article est de rendre compte de la façon dont desconceptions plurielles de la réalité sont inhérentes au processus de connaissance.Il vise aussi à montrer comment on peut entendre que les points de vue des acteurs sur cette réalité sont socialement et objectivement situés. S’appuyant sur l’approche de J.-P. Darré, sur le néopragmatisme de H. Putnam, ainsi que sur les travaux de linguistes et de psychologues, il éclaircit la façon dont on peut entendre le rapport qui peut être établi entre réalité et connaissance. Il souligne que la vérité dépend de l’adéquation de la connaissance à la réalité et met en valeur les propriétés interactionnelles des choses. Il fait ensuite apparaître la nature sociale des conceptions et discute, à partir de la notion de point de vue de A. Schütz, de la caractérisation sociale de ces points de vue.
En prenant comme point de départ l’émergence du concept de (super-)diversité dans les arènes politiques et académiques, l’article met àl’épreuve les changements théoriques et épistémiques allégués, liés à ce nouveau paradigme (Vertovec 2007) dans l’étude des phénomènes de pluralisme culturel et de « multiculture » (Back 1994 ; Hall 1999). Nous commençons par étudier de manière critique les principales innovations revendiquées, en les replaçant dans le contexte plus large d’un « retour » annoncé de l’assimilation (Brubaker 2001). Nous envisageons ensuite une deuxième source de mise à l’épreuve, fondée sur des arguments empiriques, issus d’enquêtes sur les politiques publiques quis’attachent à la mise en oeuvre de ces idéaux. Nous évoquons pour conclure l’hypothèse d’un « blanchiment » (Bilge 2013) de la diversité et interrogeons la possibilité d’investir la notion de manière non plus normative, mais critique, en l’articulant plus fortement à celle de non-discrimination.
L’objectif de cet article est de rendre compte de la manière dont la notion de « diversité » est utilisée en France afin de traiter de la problématiquede la pluralité sociale. Il s’agit en particulier de montrer en quoi la rhétorique de « la diversité » reconfigure les tenants et les aboutissants des questions relatives aux « différences » ethno-raciales. L’analyse de discours de « responsabilité sociétale et environnementale » (RSE) d’organisations qui la mobilisent permet d’interroger « la diversité » à l’aune de ce qu’elle entend représenter. L’analyse sémio-politique proposée s’inscrit en sciences de l’information et de la communication et vise à mettre au jour certaines énonciations sociales et certaines médiations dont « la diversité » fait l’objet. Mobilisée dans les discours institutionnels via des expressions telles que « promouvoir », « respecter » ouencore « inclure la diversité », cette formule ambiguë semble prendre en charge l’idée de pluralité « des différences » et dire la qualité plurielle mais unifiée de la société. Les thématiques qu’elle inclut sont, par ailleurs, équivoques : on l’emploie dans des contextes hétérogènes pour parler d’anti-discrimination, de tolérance, de parité, d’antihomophobie, d’antisexisme, d’antiracisme, de handicap, de laïcité, etc. Néanmoins, toutes ces évocations cristallisent l’idée de variété, de pluralité, de dissemblances, de […]
Cet article se propose d’examiner le concept de « type » dans le travail de Franz Boas (1858-1942). À partir d’une lecture des principaux textes del’anthropologue consacrés à l’anthropométrie, cet article expose la manière dont il s’est servi des méthodes statistiques pour détourner l’anthropologie physique de ses objectifs taxinomiques et mettre en avant une pensée de la relation fondée sur la variation et les phénomènes de corrélation. Boas préfère penser les « types » au pluriel pour mieux observer les jeux d’emprunts et de mélanges qui se manifestent dans les limites de la plasticité humaine.
Cet article croise les discours sur le sujet, la sociologie de la photographie et l’oeuvre de Nan Goldin, et soutient que la photographe interrogeles paradigmes de genre menant à la définition d’identités « abjectes ». En réinvestissant l’esthétique de l’instantané et de la photographie de famille, Goldin rend compte de la pluralité des identités de genre. Sa photographie documente le délitement du couple hétérosexuel et revendique la viabilité des identités homosexuelles, des transgenres et des drag queens, s’érigeant en savoir minoritaire et en contre discours sur l’humain.
Le cosmopolitisme a une histoire ancienne et cyclique. Souvent désigné sous le terme de néo-cosmopolitisme, son usage dans le contexte actuelsoulève une série de difficultés tant conceptuelles que méthodologiques. Pourtant, en traduisant sociologiquement d’anciennes matrices philosophiques, cette perspective propose une grille d’analyse inédite des phénomènes propres à la globalisation qui permet de sortir d’une vision purement économique de cette dernière en considérant les transformations politiques, éthiques, culturelles, esthétiques du rapport à autrui dans le monde global. En nous inscrivant dans le «tournant cosmopolite» – qui suppose une refondation des concepts, outils et méthodes –, nous proposons un cadre théorique fondé sur l’analyse de trois plans d’observation : les dynamiques de la culture cosmopolite, les institutions de la gouvernance cosmopolite, les mécanismes de la socialisation cosmopolite.