C’est un truisme de dire que le colonialisme a eu un impact terrible sur les langues indigènes africaines. Au Cameroun, où plus de 250 langues sont parlées, la situation est plus complexe, le pays ayant été partagé entre les puissances coloniales française et britannique. Le système de gouvernance mis en place à l’époque coloniale était différent d’une région à l’autre : les Britanniques ont opté pour un « Indirect rule » qui encourageait les populations indigènes à se gouverner elles-mêmes, tout en suivant les instructions données par les autorités britanniques, le système français plus strict, suivait une politique d’assimilation. Dans ces conditions, l’attachement tant individuel que collectif aux langues indigènes s’est considérablement réduit, surtout dans la partie francophone du pays. Après la proclamation de l’indépendance en 1960, les deux Cameroun se sont réunifiés en 1961, avec l’anglais et le français comme langues officielles. Cependant, même plus d’un demi-siècle plus tard, le spectre colonial demeure. Deux enquêtes ont été menées (2019 et 2020) auprès des jeunes camerounais anglophones et francophones, sur l’utilisation de la langue et l’attitude à l’égard de la langue. Elles révèlent une nette dichotomie qui reflète le modèle colonial. En effet, les enquêtes montrent un attachement beaucoup plus grand aux langues indigènes chez les anglophones, ce qui se traduit par un maintien soutenu des langues indigènes dans le cercle familial, alors que les dans le cercle familial, alors qu’elles cèdent de façon inquiétante la place à la langue française dans les foyers francophones. Les résultats des enquêtes sont discutés à la lumière de la théorie de l’identité sociale.